BLAKE ✒ drumming song.

vendredi 24 décembre

13h31 - BOSTON COMMON

Ces jours-ci, bien que les températures soient restées négatives, la neige avait laissé place à un soleil de feu, dont les rayons battaient sur le centre de Boston. Les derniers achats de Noël, pour une fête qui allait bientôt appartenir au passé, s’effectuaient dans la plus grande effervescence. Les marchands commençaient à ranger leurs stands, à démonter les planches de bois accolées les unes aux autres pour l’occasion. La chaussée s’imprégnait encore un peu de ces flocons de neige. Une fine pluie tombait sur les routes du Massachusetts mais rien d’alarmant pour ses habitants. Wanda avait parcouru la ville, pour acheter un cadeau, non pas pour ces vampires, mais plutôt pour sa mère, qui, l’esprit brouillé, se rappelait très peu de ce que impliquait Noël. Wanda n’avait jamais eu de cadeaux pour Noël. Ni pour son anniversaire. Alors, peu à peu, c’était devenu une tradition. Personne n’offrait de cadeau à personne. Mais cette année, c’était différent. Elle savait qu’elle en était à la moitié de ses études, et c’était le premier Noël où elle avait économisé assez d’argent, grâce à la boutique, afin d’acheter un véritable cadeau. Mais cela va sans dire qu’il aurait fallu s’y prendre un petit peu avant. Elle entra dans une bijouterie et y vit des colliers merveilleux. Avec ses quelques liasses de billets, elle pouvait s’acheter le plus beau collier. Une fine cordelette en peau était traversée par quelques morceaux de nacre. Il provenait d’Europe et rentrait tout à fait dans son budget. En deux temps trois mouvements, il fut emballé et payé.
Wanda sortit de la petite boutique, qui semblait tenir debout grâce à deux piliers en chêne, satisfaite de son achat. Pour la première fois de sa vie, elle se sentait grandie, mûrie. Elle effleura le papier cadeau qui entourait le collier, de ses doigts, et le replongea dans sa poche. Elle traversa Boston pour atteindre la périphérie et enfin apercevoir le Manoir Eyrignac. Il se dressait, à l’horizon, parmi des feuillages répondant aux couleurs rosés, bordeaux. Elle courut jusqu’au portail battant, fait de fer. Elle caressa doucement les lances qui se trouvaient au haut du portail et qui évitaient que des malins puissent y accéder en escaladant. Marchant près de la fontaine, elle ne put s’empêcher de se rafraîchir le visage un instant. Après sa course effrénée dans le quartier populaire de Boston, à la recherche d’un bijou, de minuscules gouttelettes de sueur perlaient sur son teint hâlé. Elle sautilla jusqu’à la porte d’entrée, évitant les fleurs colorées. Là, deux vampires se tenaient, les yeux rivés sur l’extérieur du Manoir. « Quel est ton nom, humaine ? » demanda l’un des vampires, ses prunelles se ravivant soudainement. Wanda balbutia, prise d’effroi face à sa voix rocailleuse, rauque. L’autre vampire qui se trouvait à côté de lui, sortit de l’ombre et, accompagnant ses paroles d’un geste violent et vif, prononça d’un ton sec : « Laisse, Andres. C’est une freshie. » C’était une jeune femme, d’une vingtaine d’années, dont le visage semblait figé. Aucune expression ne paraissait, à cause de ses traits pétrifiés. Elle adressa un regard inexpressif à Wanda, qui s’empressa d’entrer dans le Manoir, respirant enfin. Quand elle entra, elle fut interpellée par le nombre de vampires qui se trouvaient dans le salon principal. Certains étaient accoudés dans la cage d’escaliers, d’autres étaient assis sur les marches de l’escalier en colimaçon et d’autres, enfin, se tenaient debout, sur les tapis aux motifs plutôt spéciaux. Des chandeliers étaient suspendus dans la pièce, éclairant la salle d’une lueur rouge. Mais l’obscurité dominait nettement. La cheminée, accolée au mur tapissé, présentait des flammes asymétriques, révélant d’une blancheur extrême des flammes parsemées sur les bois entassés. Wanda marcha jusqu’à l’escalier où, mal à l’aise avec ses talons, elle faillit tomber et s’étaler sur une cohue de vampires assoiffés mais elle se retint de justesse et atteignit le premier étage sans trop d’efforts. Elle s’installa sur un vieux fauteuil en cuir défraîchi et patienta quelques instants. Une jeune femme s’approcha d’elle. Elle devait avoir pas moins de trente ans et la soif se lisait dans son regard. Elle avait une beauté stupéfiante. Ses cheveux, d’un noir de jais, cascadaient le long de ses épaules, jusqu’au bas du dos. Sa peau était si blanche qu’on eût pu voir ses veines bleutées à travers. Elle s’assit à côté d’elle et passa la langue sur ses lèvres d’un rouge sang. Wanda comprit bien vite qu’elle était l’objet d’un désir. Et on ne résiste pas longtemps à un vampire, elle le savait parfaitement. Elle lui offrit son cou rapidement, rangeant ses cheveux bruns d’un côté. Elle sentit les dents aiguisés du vampire qui vinrent s’accrocher à sa peau de porcelaine. Elle but son sang allègrement, avant d’être interrompue par une autre venue. Wanda leva la tête, le regard faible et tremblant, et aperçut Blake. La jeune blonde s’approcha du vampire qui se nourrissait dignement et lui adressa un regard glacial. « Abbie, dégage. C’est mon tour, maintenant. Elle est à moi. » s’exclama-t-elle, ses canines se dévoilant peu à peu. La dite Abbie s’éloigna rapidement et lança, hargneuse : « Calme-toi, Blake. Les freshies sont à tout le monde, tu devrais le savoir, non ? », avant de s’éloigner sur ses sandales noires, contrastant avec sa peau opalescente.